Genèse
« Le Chrono » : Quelle raison a bien pu me pousser à m'inscrire à Nice en septembre, un peu à contre-courant puisque la plupart des TOACistes y était allé en 2014 ou 2015 ? Sûrement l'envie de renouer avec la distance reine de la discipline qui à mon sens, qu’on l’ait parcourue une ou dix fois, reste un défi réel… Non sans contraintes, puisque l'effort requiert au moins 6 mois d’entraînement régulier, transformant l’adepte du footing pépère en véritable Stakhanoviste de la VMA et du multi-enchaînement. Embrun et Lanzarote m’avaient permis d’acquérir une connaissance de l’exercice, mais cette année j’avais envie de donner le maximum pour faire le meilleur chrono possible. En effet, certains de mes compères d’entrainement avaient placé la barre très haut en descendant allègrement sous les 11h les années précédentes. C’était moi aussi mon objectif. 3,8 kilomètres de natation en mer sur deux boucles, 175 bornes avec 2100 mètres de dénivelé à vélo et le marathon en 4 aller-retour sur la prom’, tout un programme !
« La Caisse » : Il est 23h30, ce 13 juillet 2013 où je découvre pour la première fois cet objet insignifiant, celui autour duquel tournaient encore quelques ombres hagardes à la lumière de leur frontale. Ébahis par ce ballet fantomatique, le frangin Lajazz et moi-même, nous arrêtâmes quelques instants pour admirer le spectacle. Quelle pouvait bien être la motivation de ces gens pour continuer de trottiner à cette heure-là alors qu’ils étaient partis depuis l’aube ? De plus, quel était l’intérêt de venir tourner autour d’une vieille caisse en bois en haut du lotissement du lac de Matemale en pleine nuit ? Cette caisse m’apparut alors comme le symbole ultime de la conquête de l’inutile : une banale caisse au milieu de nulle part, mais qui l’espace d’un instant, était l’objet le plus convoité de quelques hurluberlus de passage… C’est à cet instant précis que nous nous sommes dit que nous viendrions un jour tourner, nous aussi, autour de La caisse afin de terminer le roi des ironman : L’Altriman. Certes, La caisse a été depuis remplacée par un cône de chantier bien plus adapté à la fonction, mais la futilité de l’exercice n’en est pas moins conservée. Pas vraiment échaudé par la tentative ratée de 2014, Lajazz et moi-même nous convainquîmes facilement de nous inscrire à l’édition 2016 et ce en dépit du peu de répit imposé par ma participation à l’Ironman de Nice un mois auparavant. La venue de Lajazz sera malheureusement rapidement remise en cause en raison d’une discopathie qui l’empêchera de commencer son entrainement à temps. Il faut dire que le chantier est immense : 4 bornes de natation à 1500 mètres d’altitude, 200 kilomètres de vélo avec pas moins de 7 cols, soit 4800D+ et un marathon avec 750D+ pour finir…
La préparation
Nice sera l’objectif de l’année. J’attaque donc l’entrainement début novembre, ce qui laisse sept bons mois pour s’affûter. Comme je trouve une certaine satisfaction à préparer mon plan d’entrainement personnellement, je décide de ne pas faire appel à un coach particulier. De cette façon je pourrai intégrer plus facilement les cours collectifs du TOAC et de l’USC natation. En sept mois, on a le temps de casser de la fibre mais certaines bavantes ne s’oublient pas. En voici quelques-unes :
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Le stage de Rosas en février, 4 jours de vélos, de course dans le sable et de multi-enchainement au rythme sadique imposé par le coach Fred,
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Le trail de la montagne noire avec Poulet en mars, 36 bornes et 2400D+ inoubliables dans la boue, la neige et le froid,
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Les 235 bornes de vélo en solo entre Toulouse et Balaruc, en avril, dont 100 bornes de vent de face et 70 de rideaux…
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La reconnaissance du parcours vélo et cap de l’IM de Nice toujours en avril et toujoDroiteurs en solo,
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Les différents multi-enchainements sous différentes formes dont le mémorable 90beb – 20x400m de frac au TOAC – 50beb en cotes – 13kilos de cap qui m’a pris la journée. Celui-là aura laissé quelques traces mais est, à mon sens un incontournable des prépas iron man.
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Le half de Lacanau en mai,
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Les 4 jours du stage montagne de mai, 3 semaines avant Nice, où vinrent s’imposer la fatigue, le doute et le ras-le-bol de la pluie…
C’est donc 7 mois plus tard, une fois les 400 heures d’entrainement avalées, dont 160 bornes de natation, 5700 de vélo et 1000 de cap, que je me rendis en famille à Nice.
En ce qui concerne la préparation pour l’altriman, vu le peu de temps à disposition entre les deux rendez-vous, l’essentiel consistait à récupérer un maximum de ces 7 mois d’effort tout en continuant de faire un peu de dénivelé, que ce soit en vélo, avec la reco d’une grosse partie du parcours, l’ariégeoise, où à pied avec quelques trails dans les coteaux avec les copains du club. Lors de ces séances mi-figue, mi-raisin, j’ai bien senti que le pic de forme était derrière et qu’il fallait la jouer fine pour être à nouveau frais à peine 5 semaines plus tard.
L’avant course
Arrivés le jeudi dans le petit T1bis de la rue Lamartine loué sur Airbnb 8 mois plus tôt, me voici dans des conditions idéales pour régler les derniers préparatifs : retrait des dossards, prise de marque sur la zone de natation, derniers réglages, dépôt du vélo et des affaires de transition, préparation de la musette... La météo s’annonce clémente. Ni trop chaud, ni trop froid, les conditions devraient être idéales. Dimanche 5 juin, 3 heures 30 du matin, j’avale mon pain d’épice et bol de céréales habituel en essayant de ne pas réveiller les filles qui pioncent dans la pièce d’à côté. Le sac sur le dos, la pompe à la main, je croise les Niçois qui sortent de soirée bien éméchés… De ci et de là, quelques triathlètes convergent vers l’immense parc à vélo installé sur la prom’. 2800 concurrents sont attendus. Ça baragouine un peu toutes les langues et aucune tête ne m’est connue. Ça change des pav squattés par la tribu du TOAC… Une fois le vélo calé et le sac aux vestiaires, j’enfile le matos de nat’ et me faufile. Je croise successivement Xavier et Sylvie qui s’est improvisée coiffeuse au pav. Les 2 compères semblent sereins et ne laissent rien paraitre du stress qui habite en général le concurrent sur son premier iron. On se souhaite du courage et du plaisir et on prend la direction du départ de la nat’ pour un petit échauffement et ajustage de combi’. Puisque cette année, le départ se fera en "rolling start", je me dirige vers le sas 1h10’. Le signal est donné. Les 2800 concurrents s’avancent et l’ensemble mettra 15 minutes à passer le goulet d’étranglement du portique de départ, large d’environ 5 mètres.
Etant en vacances depuis le début de la semaine, j’arrive de nouveau en famille dès le mardi soir, sur le site de ce nouveau défi. Au programme : camping, balades, repérages, siestes et globules… Elsa doit participer au sprint de dimanche, du coup, on en profite pour s’entrainer ensemble. Du moins, Marilou oblige, ce sera plutôt un affûtage séquentiel. Ici aussi la météo s’annonce bonne, voire chaude. Ce coup-ci, je ne serais pas isolé sur la course, l’altriman ayant été choisi cette année comme course du club. Il faut dire que le cadre est superbe et que les quatre formats principaux du triathlon, allant du S au XXL, sont proposés sur 2 jours. Il y a donc de quoi faire ! Les copains arrivent au compte-gouttes le vendredi après-midi et envahissent peu à peu le site. On croise du TOAC à l’hôtel, au plan d’eau, en somme un peu partout. On se retrouve à une quinzaine à la pasta party vers 19h au CCAS de Matemale. Les cinq autres illuminés qui tenteront de venir à bout du chantier ultime sont là : Olive, Cousin, Gina, Marco et Nico. Comme si de rien était, on échange tranquillement sur les choix stratégiques. "Alors ? Cagoule ou pas cagoule ? Tri-fonction ou moule-burnes ? Et toi, tu mets un slip sous ton cuissard ?". Une fois les 400 grammes de poulet et les pâtes avalées, direction l’hôtel pour une courte nuit. Marilou ne s’est pas réveillée, c’est de bon augure ! On se retrouve les six au petit-déjeuner à 3h30, j’ai déjà avalé mes céréales et mon pain d’épices dans la chambre, mais une tartine supplémentaire ne me fera pas de mal. On saute tous dans la Daffos mobile et nous voici au parc à vélo dans la nuit noire. Nos supporters les plus motivés nous rejoignent et sont de bonne humeur malgré l’heure matinale… On prépare les affaires à la frontale, et ½ heure plus tard tout le monde se dirige vers la plage de départ. Il fait à peine dix degrés, c’est un peu frais mais l’eau n’en sera que plus agréable me dit-on. "C’est pas faux". Contrairement à ma précédente participation, je me surprends à faire quelques allers-retours dans l’eau. J’ai même l’impression d’y réchauffer les pieds. L’ambiance monte, le stress aussi. Les questions sur le parcours natation fusent, puisqu’on ne voit pas grand-chose. Il nous faudra viser dans un premier temps le spot de l’autre côté de la rive, allumé pour l’occasion. Le départ sera donné sous les cris des spectateurs et des guitares d’Europe jouant "the final countdown". Un titre bien choisi, sauf que le compte à rebours devrait durer près de 20 heures pour les derniers…
Nat’
2 boucles distinctes sans sortie à l’Australienne. Remonté comme une pendule, je pars sur un rythme de half. Grâce au rolling start, on ne se marche pas dessus et on peut poser tranquillement sa nage. Enfin presque… Phénomène assez inattendu, les concurrents sont super polis lorsqu’ils te bousculent. Je n’ai jamais entendu autant de "pardon" sur un tri… La première bouée située à un kilomètre de la rive arrive vite. Moins de 17 minutes au compteur, ça semble un peu rapide pour bibi. Peu importe, on verra bien. Nager à un kilomètre parallèlement à la côte n’est pas habituel et quelque peu déstabilisant, j’ai l’impression d’être en haute mer. Je garde un bon rythme jusqu’aux 2500 mètres où mes bras commenceront à grincer. La deuxième boucle est un peu plus difficile et je m’emploie pour ne pas trop faiblir. Je me permets de forcer un peu car j’ai envie de faire une natation correcte. Normalement je ne devrais pas en pâtir pour la suite. La deuxième boucle se termine et deux bénévoles sont là pour t’aider à prendre pieds sur la plage de galets. Les types vont avoir du boulot avec les 2800 gus qui débarquent en continu sur ¾ d’heures … Je sors de l’eau en 1h09 avec le 975ième temps. C’est pile poil dans mes objectifs. Tout va bien. Oups, j’ai oublié de pisser à la sortie de l’eau, ma vessie va me le reprocher sur le vélo…
L’eau est noire, on ne voit pas grand-chose, mais peu importe, il me suffit de suivre mes congénères. On ne se marche pas dessus, nous ne sommes que 180 au départ, quel contraste avec Nice ! Malgré une température de l’eau assez clémente, j’ai opté pour le bonnet en néoprène sur les conseils du cousin frileux. Et c’est vrai qu’on est bien la tête au chaud. Je prends un rythme de sénateur sans forcer car la journée va être longue. Les silhouettes des concurrents se détachent sur le soleil levant, c’est beau ! Mais 200 mètres plus tard, j’assiste à un spectacle assez incroyable, les silhouettes sont désormais debout et marchent telle une armée d’ombres. Je suis en pleine hallucination. Ce doit être les effets de l’altitude ! Des gars ont tout simplement repérer un banc de sable et marchent à côté de moi. Je me lève, fais quelques pas. Un concurrent plonge devant moi en disant qu’il n’est pas venu là pour marcher. Je reconnais une certaine vérité dans ses paroles et je me relance à l’horizontal. J’ai de bonnes sensations de glisse. Je pose pour la photo à la première bouée, rigole avec un bénévole puis repars sur le même rythme. Sur le retour au milieu du lac, en levant la tête, je me rends compte que la brume arrive. Et si le scénario de l’an dernier se répétait ? La brume avait envahi le lac réduisant la visibilité à seulement quelques mètres. L’organisation avait dû stopper l’épreuve afin de récupérer les nageurs égarés. La lumière est blafarde et la brume nous cache la sortie. Je décide alors de tirer un peu plus à gauche que l’ensemble des concurrents qui semblent viser la plage de départ. Je me retrouve seul mais ma stratégie semble porter ses fruits car je me retrouve pile poil en face de la dernière bouée. La sortie à la Catalane sur ponton branlant, sous les applaudissements et les cris du public est fort sympathique. Je cherche les copains, mais je ne les reconnais pas dans la foule. Je replonge pour la deuxième boucle tout en gardant le même rythme. La place pour nager est immense. J’ai parfois l’impression d’être seul au monde. Je me régale toujours autant. Vers 2800 mètres, je passe le point de non-retour de 2014. Aujourd’hui ça sent bon. De nouveau les bouées du côté de Matemale et c’est la dernière traversée. La brume ne semble pas vouloir se développer. Bonne nouvelle je vais enfin boucler la nat’ de l’Altriman. Je sors en 1h17, frais comme un gardon.
T1
On sort de l’eau devant une foule énorme. J’arrive à l’aire de transition, attrape mon sac de transition, y remplace rapidement mes affaires de vélo par celles de natation et pars chercher mon vélo. C’est marrant les gens ont l’air de camper… Me demande ce qu’ils peuvent bien faire. Beaucoup de vélos sont encore là, c’est rassurant. J’enfourche ma machine et c’est parti !
Sortie de l’eau tranquilou, je traverse le petit bois en trottinant et je retrouve Oliv’ et Mat’ qui se préparent. Un gars avec sa caméra profite des blagues de Shu et Seb pour me demander si je pense vraiment que l’altriman est surfait. Mais bien sûr mon gars, c’est un truc de fillette cette course ! Je lui octroie 2 minutes de mon précieux temps puisque les copains sont empêtrés dans leur cuissard, manchette et autre combi récalcitrante… Cette première interview terminée, j’attrape mon vélo et sors du parc en même temps qu’Oliv’ et Mat’ sous les encouragements de nos deux groupies de service.
Beb’
J’avale un gel et prends mon rythme de croisière. Je trouve que les concurrents roulent vite pour un début de parcours. Peu importe, je ne m’en préoccupe pas. Dans la côte de la Condamine, je pense bien évidemment à notre Couscous national et je l’entends décrire ses pentes supérieures à 35%... Je m’alimente régulièrement mais j’ai quelques aigreurs d’estomac qui me brûlent dès que j’avale un gel ou une barre, les quelques tasses d’eau salée ne doivent pas y être étrangères. Le temps est couvert et frais, donc idéal pour l’effort. Dans le col de l’Ecre, la difficulté du jour, je me cale sur les 250 Watts cibles, histoire de préserver les jambes pour espérer courir proprement le marathon. Je suis sur la réserve et je double quand même du monde, c’est plaisant. En haut du col je m’arrête enfin pisser, l’envie me tenant depuis la sortie de la natation… Deux minutes de vidange plus tard, je peux enfin repartir. S’ensuivent des faux plats montants et descendants propices au prolongateur. Je me fais légèrement dépasser par les costauds sur le plat mais dès que ça descend un peu, c’est moi qui prends l’avantage, le 52x11 et la roue avant du Daffosorus y étant sûrement pour quelque chose. L’aller-retour vers le col de Vence, pourtant pas bien pentu, est un peu plus laborieux, Je manque de sucre et j’ai du mal à avaler mes barres/gels. Une pause pipi au pied de Coursegoule me permettra de me refaire un peu la cerise. La dernière montée de deux kilomètres s’avale sans problème puis c’est la descente dans la vallée du Var. Elle est technique et rapide. Je profite de retrouver quelques concurrents agiles pour titiller les trajectoires avec eux. Un coup d’œil derrière, pas d’arbitre, je double une ambulance gyrophares allumés. Le conducteur ne doit pas être content mais il n’avait qu’à aller plus vite, on n’est pas là pour acheter du terrain… Dans la vallée, le vent souffle fort, du coup des paquets se reforment. Pour éviter de drafter, devinez quoi ? Je m’arrête pour une troisième vidange. Il faut dire qu’il ne fait pas trop chaud et que j’ai quand même avalé 8 bidons de boisson énergétique… Je ferai les 10 derniers kilomètres en solo et à l’économie pour bien attaquer la course à pied. L’arrivée sur la prom’ est un plaisir. Bon nombre de concurrents courent déjà. Je pose mon vélo en 5h41. C’est le 460ième temps et j’ai gagné 462 places. Je suis bien hydraté mais j’ai cependant un petit doute sur ma gestion du sucre.
J’ai enfilé le coupe-vent sans manche du club et j’ai bien fait. Il fait encore bien glace. Il faut dire qu’il est à peine 7 heures du matin… Je laisse Oliv’ et Mat’ se détacher, préférant assurer mon train de sénateur. J’ai de gros doutes sur ma capacité à boucler proprement le vélo. Mes deux dernières sorties en montagne post IM de Nice se sont avérées difficiles. Et même si coté endurance, ça va à peu près, je manque cruellement de fraicheur et je n’ai pas retrouvé les jambes du 5 juin dernier. Mais ça, on pouvait s’en douter ! Les Deux premières ascensions se passent tout de même bien. Il fait bon et les pourcentages ne sont pas très élevés. La descente de la Lose est un régal et ce malgré le soleil rasant de face rendant la lecture de la route assez aléatoire. Je perds quelques places en montée mais en gagne en descente. Sur la partie plane en direction de Formiguères, je retrouve mon cameraman du parc à vélo sur une moto. Il passe cinq bonnes minutes à me filmer sous tous les angles et à me faire dire des conneries. N’étant pas vraiment pressé, je me prête au jeu. Dans le col des Hares, je suis surpris par un début de fringale au point de me demander si je n’ai pas trop mangé de sucres, une hypoglycémie pouvant suivre une hyperglycémie. J’attaque donc ma "pom’pote" pâtes carbo suivie d’une compote banane myrtille au malto. Ça coûte un bras et c’est hyper chimique mais c’est plutôt bon et ça me remet d’aplomb en deux minutes. C’était donc une hypo au kilomètre 55. Je ne suis pas rendu ! J’attrape ma musette à Mijanes et repars aussi tôt vers le Pailhères. Il commence à faire chaud sur la route et la fin de la montée se fait plus difficile. Heureusement Sarah qui a fait le déplacement, seule, jusqu’en haut du Pailhères, est là pour nous encourager. Apparemment Oliv’ et Mat’ sont passés il y a cinq minutes mais peu importe, j’ai besoin de prendre un peu de temps. La pause terminée, je me sens mieux et je peux faire la descente à bonne allure. La montée du Chioula se passe plutôt bien même si la chaleur commence à se faire sentir. Je monte à 12km/h. Les sensations ne sont pas extraordinaires mais c’est déjà bien mieux qu’il y a deux semaines. Sur le plateau de Belcaire, il fait plus frais. J’arrive encore à imprimer un rythme correct mais j’ai de plus en plus de mal à m’alimenter. Je mets dix bornes à réussir à avaler ma purée de carottes. Heureusement que j’avais varié mon alimentation car je ne peux plus avaler de barres de céréales. J’attaque donc mon régime dissocié à base exclusivement de bananes. J’en mangerai sept sur le total de la course, soit un régime complet… Au ravitaillement de Belcaire, Marco me tape sur les fesses. Fait chier de pas avoir la gouache, c’est moi qui claque des culs d’habitude ! On fera de nombreux kilomètres ensemble, du moins à se croiser. Il faut dire que quand tu croises Marco sur une course, ce n’est pas ton meilleur ami. Il a dû certainement aller à l’école avec Roro… Le ravitaillement de Gesse me fait un grand bien. Il ne reste plus que deux difficultés et je suis pressé de poser le vélo. Mais comme annoncé la veille à mes compagnons, je savais que le soleil allait taper dur dans le Garavel. A cette heure il est à son zénith, et il n’y a que très peu d’air. Le bitume fond par endroit et je commence à cuire sur place. En général j’aime la chaleur mais aujourd’hui je la subis. Je verse la totalité de mon bidon d’eau sur la tête mais le soulagement n’est que temporaire. L’eau qui ruisselle sur mes joues est bouillante. Les 3 kilomètres jusqu’à Roquefort-de-Sault me sont fatals, je n’avance plus. Enfin une fontaine, je m’allonge entièrement dedans pendant 5 bonnes minutes et vais me restaurer au ravitaillement. Trop tard, le mal est fait, je n’arrive pas à dépasser les dix kilomètres heure sur le faux plat montant. Je vois Marco s’envoler au loin. La fin du col est un calvaire, la descente aussi. Je bois, j’essaye de manger mais je n’ai pas grand appétit. Le Moulis : un col insignifiant se fera tout à gauche. Puis arrive la montée de Carcanières et ses 14% sur deux kilomètres. Je zigzague comme je peux pour continuer d’avancer. L’inscription sur la route, faite par Oscar Wilde lui-même, me confirme que le mental ne fait pas tout. Je suis en roue libre dans la descente vers Quérigut et ai un mal fou à monter la côte. Je grignote quelques tucs et sauciflard au ravito et repars pour le col des Hares monté de l’autre côté le matin. Mais que c’est long quand tu es cuit ! Et que ce n’est pas drôle ! Moi qui adore les circuits de montagne, l’amour n’est pas réciproque aujourd’hui… Le sommet passé, il fait plus frais et ça sent l’écurie. La forme revient un peu et par la même occasion le moral aussi. J’arrive à relancer la machine et tiendrai un rythme correct jusqu’au pav. Quel soulagement de descendre du vélo.
T2
Transition rapide car je n’ai pas grand-chose à faire. J’attrape ma poignée de gels, enfile mes running, troque mon casque contre ma casquette et c’est parti pour un long footing à 12 km/h…
Enfin le parc, je descends du vélo tranquillement, pousse le vélo jusqu’à ma place, m’assois, vide mes poches, attrape mes gels, bois deux gorgées de malto, me change et trottine jusqu’à la sortie. C’était la transition lente d’un gars qui a pris un gros coup de buis sur le vélo.
Cap’
Je suis bien et prends de suite mon allure cible de cinq minutes au kilomètre. J’essaye de prendre ½ gel et de boire à la volée à tous les ravitaillements. Mon objectif est de toujours avancer et de minimiser les arrêts. A Lanzarote j’avais perdu un temps précieux sur les ravitos, plus de 25 minutes… Si je veux faire un chrono, je dois garder ça en tête. Au 10,550 km, je suis en avance d’une petite minute sur l’horaire. A chaque passage sur un tapis chronométré, je sais que les copains sont derrière leurs PC/smartphones pour checker mes temps. Ça me motive, je ne dois pas faiblir. Vers le kilomètre 12, j’ai un coup de mou, je finis par comprendre que je manque de sucre. Un gel me permet de reprendre l’allure au kilomètre 14. Au kilomètre 19, Fred Chelin, ancien TOACiste, qui est venu encourager le SPLASH, sait trouver les bons mots pour me booster. Ça fait plaisir de voir une tête connue. Le circuit est particulièrement monotone, 4 allers-retours sur la prom’ c’est long ! Je m’efforce de ne pas regarder au loin pour ne pas me démotiver. L’énorme bite en métal rouillée parait tellement loin vue de l’aéroport… A mi-course j’ai encore 30’’ d’avance sur ma cible. Elsa et Marilou sont là pour m’encourager. J’ai du mal à les entendre dans tout ce brouhaha. Après le semi, ça commence à être un peu plus dur. Dès qu’un gars me rattrape, quelle que soit sa position en course, j’essaye de l’accrocher. Ça me permet de relancer l’allure. J’en rencontre un particulièrement marrant. Dès qu’il double un gars qui marche, il lui hurle dessus : "lâche rien !" Le pire c’est que deux fois sur trois ça marche. Le gars se remet de suite à trottiner. 5’18, 5’25, 5’45, aïe aïe aïe ! Deux minutes de retard au ¾ de la course. Il me reste un peu de jus, je décide de tout donner au kilomètre 32 après un dernier petit arrêt pour prendre une pâte de fruit et un tuc. Elsa, Marilou et non loin de là Fred, sont là et me poussent forts. Les jambes brûlent, les articulations couinent mais je ne lâche rien. Je sais que je fais une bonne course et ça me donne des ailes. On m’avait dit la prom’ n’est pas complètement plate. Tu verras : "Ça monte et ça descend". Et effectivement, dans ce dernier tour, il y a des portions qui me paraissent pentues. Un sprint pour finir et je passe la ligne le poing levé. Ca y est je l’ai fait mon chrono sur IM. Je termine la cap en 3h30, c’est le 289ième temps. Je bats mon record sur marathon sec de 10 minutes. Le speaker hurle "YOUUUUUU AAAAAARE AN IRONMAAAAAN !". Je reste un peu dans le sas d’arrivée, demande une photo souvenir supplémentaire. 10h30’38’’ 343ième au scratch, ma meilleure estimation. Je savoure et repense à toutes ces heures d’entrainement… C’est un sacré chantier, mais que c’est bon !
Je ressens toujours mon coup de chaud du vélo. Je m’hydrate au maximum en évitant de faire trop gonfler le ventre. J’assure un 10 km/h sur le plat. On est bien loin de Nice. Ce qui me fait peur, c’est l’alimentation, je n’ai plus envie de rien et j’ai encore 40 bornes et 750m de déniv’ à me taper… J’arrive quand même à avaler un gel de temps à autre en buvant une gorgée d’eau et je me retape une santé au bout de 3 ravitos. Sur le pont je croise Marco qui a une bonne allure. Je me demande où en sont les autres. Mat’ et Oliv’ doivent être loin. J’espère que Gina et Nico n’ont pas trop souffert sur le vélo. Par prudence, je me force à marcher dans la montée de Matemale. Je pourrais courir, les jambes vont bien mais je dois m’économiser. Puis arrive le moment tant attendu du plot (ex caisse en bois) du demi-tour de Matemale. Je le contourne par la droite et réalise enfin que je suis sur l’Altriman! Si j’étais seul, je crois que je l’embrasserais. Demi-tour et direction Balcère… Au ravito en-dessous, je croise Nico qui n’a pas l’air si mal que ça. On blague pendant 2 minutes avec les bénévoles. L’un nous parle d’aspirateur, l’autre de passage à niveau… Et on repart chacun de notre côté. Le retour à la base de loisir se fait à allure correct. Quelques copains sont là, ça fait plaisir. Et Gina montre enfin le bout de son nez. C’est Gina, ça aurait pu être autre chose. Il est très moche mais je ne m’en fais pas pour lui. Je sais qu’il va se requinquer et qu’il va finir. Puis j’attaque la montée vers les angles. Les jambes répondent toujours, je marche seulement dans les pourcentages élevés. Près de l’hôtel je croise le Daffosorus qui redescend. J’imite son style si particulier mais ô combien efficace… C’est lui au moins ? Ouf ! J’ai eu un doute. Que j’aimerais être à ce niveau de la course ! Il a au moins dix bornes d’avance… Au fur et à mesure, je croise tout le TOAC qui se balade un peu partout sur le parcours. Je fais le pitre histoire de faire le mec plein de ressources. Faut bien compenser, je suis en train de prendre une branlée… Les regards sont différents de ceux qu’on peut croiser sur une compétition classique, ils sont bien plus touchants. Plein d’envie et d’empathie, comme ceux des gosses en fait. L’égoïsme de l’effort solitaire se partage l’espace d’un instant. On se sent presque investi d’une mission. Laquelle ? Celle de finir bien sûr ! Elsa et Marilou sont au pied de la longue côte de Balcère. Aujourd’hui j’ai du temps. Un bisou à chacune et je repars en marchant dans le 8%. Sur le half, je mets toujours un point d’honneur à courir partout. Aujourd’hui, ça me semble impossible. Je croise le cousin souriant. On se souhaite bon courage. Je prends un peu plus de temps au ravitaillement pour essayer d’avaler quelque chose. Je croise à nouveau Marco qui a l’air dans le dur. La légère descente jusqu’au lac de Balcère se fait sans problème. J’y retrouve mon caméraman et lui accorde une troisième interview. Je me demande ce qu’il va bien pouvoir faire de tout ça… Je repars et croise Nico, j’ai repris un peu de temps sur lui, il a 5 kilomètres de retard. A mi-course, ma montre indique 2h36’. J’ai fait le plus dur, la deuxième partie est plutôt descendante en moyenne. Je devrais pouvoir boucler l’effort en 5 heures. Il faut dire que mon objectif premier était de finir avant la nuit. Impeccable à 22 heures, c’est torché. C’était compter sans le deuxième effet kiss kool de l’insolation… Au kilomètre 24, extinction des feux, je n’ai plus d’énergie et impossible d’avaler quoi que ce soit sous peine de tout gerber. J’ai des haut-le-cœur. Je dois finir comme je peux. J’entame alors ma lente transformation en zombie. Je recroiserai une dernière fois Oliv’, Mat’ et Marco qui semblent souffrir aussi. Cela dit ils en finissent… Au lac, je regarde au loin vers Matemale. Quand je pense que je dois aller chercher ce plot… Je récupère ma frontale au pav. J’y croise Nikolopoulos qui vient chercher son vélo… Heureusement que le porte-voix de Ludo et le wuwuzela de Fred s’entendent de loin ! Et c’est un plaisir de passer devant le restaurant du lac. Je fais part de ma lassitude aux bénévoles. Ils m’encouragent comme ils peuvent. Je traverse le barrage en trainant les pieds. J’entends mes chaussures frotter à chaque pas. J’ai l’impression d’être à 6000 mètres d’altitude et d’avoir 80 berges. Sur les conseils de Marc B, je mâchouille une pâte de fruits lentement pour ne pas la vomir tout en trottinant. A sept kilomètres heure, on peut encore utiliser le mot trottiner ? Je remonte dans Matemale, tourne pour la dernière fois autour du plot mais ce coup-ci sans grande émotion. Je croise Nico qui a bien comblé l’écart. Une pâte de fruit et un adieu aux papis mamies du bout du lac et je retourne trainer mes godillots sur le barrage. La nuit tombe. J’allume la frontale. Le chemin est compliqué à suivre de nuit dans le bois. Je m’arrête à chaque croisement histoire de ne pas faire un mètre de trop. Je prends soin de ne pas me prendre les pieds dans les racines. De nouveau le lac et les bruyants TOACistes. C’est à ce moment que Nico me rejoint. Ça me rebooste de voir une tête connue. On fera les cinq derniers kilomètres ensemble, trottinant sur le plat, marchant dès que ça monte et en nous racontant nos mésaventures sur la course. C’est tellement mieux à deux. On aurait dû faire ça dès le début. Et voici enfin l’arrivée ! Je boucle mon deuxième semi en 3h24 et donc la course à pied en 6 heures. Quel calvaire ! 17h20 d’effort…On en termine à 23 heures, alors que le départ avait été donné à 5 heures 30 du matin… Quand je pense qu’avec ce temps, je termine 78ième ! Je n’envie pas ceux qui sont encore en course. Les copains sont là, nous félicitent. Une part de pizza et ça va déjà beaucoup mieux. Je suis un peu déçu du temps, j’aurai bien aimé aller batailler avec les copains devant. Mais c’était au-dessus de mes forces et je le savais bien. Après tout, le challenge n’était pas là. J’ai atteint mes objectifs à Nice et terminé l’Altriman cinq semaines plus tard. Faut que je pense à le rajouter sur mon CV…
Merci à tous pour vos encouragements pour ces deux évènements que ce soit en live, par mail, whats’app ou autre. Et comme le dit si bien un philosophe/poète du club :"Vous avez été ma troisième jambe". Il ne me reste plus qu’à me refaire une santé, soigner mon tendon d’Achille et peut-être terminer la saison sur une petite course ou deux au format enfant…Je reviendrais peut-être un jour sur la distance (Cape Town, Mallorca, Nice en moins de 10 heures ?) mais pas dans l’immédiat.